Je n’oublierai jamais cette petite fille. À peine 4 ans, on la préparait pour une magnifique présentation de « Roboto le robot ». Avec son costume en boîtes de carton recouvert de papier d’aluminium, elle a suivi les autres enfants du camp de jour à la queue leu leu vers l’estrade, puis, STOP. La peur l’a prise au ventre. Les deux pieds plantés bien au sol, incapable de bouger ni de parler, l’angoisse à la pensée de se retrouver sur scène avec tous ces grands qui la regardent était de trop. Les larmes se sont mises à couler sur ses joues et tandis qu’elle rêvait au plus profond d’elle-même d’aller chanter sur scène avec les autres, à ce moment-là elle comprenait qu’elle n’était pas comme eux. Qu’elle était différente.
Je n’oublierai jamais cette petite fille. À peine 7 ans, elle était assise sur un de ces bancs de bois que l’on retrouve au gymnase, regardant les élèves de la classe faire leur cours d’éducation physique. S’opposant ardemment, refusant de participer, elle observait les autres, rêvant de tout cœur pouvoir se joindre à eux, mais une force plus forte qu’elle la clouait au siège, lui disant qu’elle n’était pas assez bonne et qu’elle ne faisait pas partie du groupe.
Je n’oublierai jamais cette jeune pré-ado. Celle qui à sa propre graduation du primaire a réussi à cacher qu’elle n’avait rien mangé de la soirée, non pas parce qu’elle n’avait pas faim mais parce qu’en plus de son surpoids, elle se sentait profondément moins bonne que les autres. Et aussi, parce qu’en elle résonnaient les paroles d’une ancienne enseignante qui, ayant suivi les camarades de sa classe vers la fontaine après le cours d’éducation physique, lui avait hurlé : « Toi, retourne dans la classe. Tu ne MÉRITES pas de boire. »
Je n’oublierai jamais cette ado qui, sur le point de devenir adulte, a décidé qu’elle n’en voulait plus de cette vie. De cette vie d’angoisse et de chaînes l’empêchant de se donner le droit de vivre. Je n’oublierai jamais le parcours long, difficile parfois mais si édifiant qu’elle a pris pour doucement prendre confiance en elle et s’accorder une place, toute petite au début, puis plus grande avec le temps. Je n’oublierai jamais cette jeune adulte qu’elle est devenue. Celle qui, par un beau matin d’été, accueillait à son tour, avec sourire, une petite fille de 4 ans toute craintive au camp de jour : « Si moi je vais dans le trampoline, est-ce que tu viens toi aussi ? »
Cette petite fille de 4 ans, celle de 7 ans, la préado, la jeune adulte… C’est moi. Petite, j’aurais tant aimé sentir que j’avais de la valeur. J’aurais aimé savoir que j’avais le droit et que je méritais de vivre la vie. Comme les autres. Petite, j’aurais aimé avoir les outils me permettant de me découvrir, me construire et de rebondir au besoin. Les outils me permettant de mettre en question ce que j’entendais autour de moi et qui me faisait si mal, pour trouver ce qui me ferait plutôt du bien.
Voilà mon pourquoi. Le pourquoi de ce que je fais. Le pourquoi de mon entreprise d’accompagnement pour enfants. C’est pourquoi « Couleur Caméléon » a vu le jour.
En ce début d’année, ce moment où l’on se met des objectifs, où on se projette dans l’avenir des prochains mois, t’es-tu reposé cette question ? As-tu reconnecté avec ton pourquoi ? Oui, on t’en a souvent parlé. Oui, c’est redondant comme question. Mais ce matin, je suis heureuse de m’être posée la question il y a de cela bientôt trois ans. Car ce matin encore, malgré le temps et les années d’expérience que j’ai derrière la cravate (même si je n’en porte pas!), le doute m’a envahie. Qui suis-je pour prétendre pouvoir aider les autres? Qui suis-je pour augmenter mes tarifs? Qui suis-je pour offrir des conférences et m’adresser à des professionnels parfois plus qualifiés que moi?
Ce matin, la réponse je l’ai trouvé dans le texte écrit ci-haut. Celui que j’ai écrit il y a 3 ans. Je suis la fille de 4 ans, de 7 ans, de 11 ans… Celle de 16 ans qui ne voulait plus de cette vie, et celle qui adulte a décidé de tendre la main à ceux dont elle connaît trop bien les défis… Mais aussi pour qui elle connaît plein de possibilités et divers chemins vers le bonheur.
Je vous souhaite, comme moi, de prendre le temps d’écrire votre pourquoi ou de retomber, juste au bon moment, sur celui qui vous a déjà écrit. Ce pourquoi qui vous rend unique et qui vous nourris dans le passé comme il le fera sûrement tout au cours de l’année qui s’ensuit…
Bonne année 2023 à vous toutes, chères MA !